Musique et mathématiques
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Si la musique est aujourd’hui une discipline des sciences humaines, elle a longtemps appartenu aux mathématiques. Au VIe siècle avant J.C., Pythagore considérait que l’harmonie de deux sons joués ensemble pouvait s’expliquer par les nombres. Il imagine alors un système pour calculer la hauteur des notes et diviser les intervalles, cette méthode donnera lieu à la gamme pythagoricienne qui sera utilisée jusqu’à la fin du moyen âge. Pythagore est désormais reconnu par les musicologues comme l’un des fondateurs de la théorie musicale.
Au cours de l’histoire, beaucoup de compositeurs et de scientifiques se sont intéressés au rapport entre la musique et les sciences, renforçant toujours un peu plus les liens entre ces domaines. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir que des personnalités du milieu scientifique mènent aussi des carrières musicales. C’est notamment le cas de la chanteuse Karen Vourc’h qui, après un master en physique quantique puis un DEA en physique théorique, a finalement quitté son laboratoire pour rejoindre l’Opéra en tant que soprano. Elle déclarera dans une interview : « imaginer des sons, des univers, grâce à des formules mathématiques ou sous la forme de mélodies participe au même processus de recherche intellectuelle ».
En effet, composer de la musique ressemble en tout point à un exercice de mathématique et les propriétés du son comme la durée, la fréquence, l’intensité et le timbre peuvent être représentés numériquement. C’est pour cette raison que dès son apparition, l’informatique est devenue un outil formidable pour la composition. La recherche sur le son étant une préoccupation importante, l’arrivée des premiers ordinateurs a été une occasion pour les compositeurs de faire de la musique autrement, donnant naissance à une nouvelle pratique : l’informatique musicale.
L’informatique au service de la musique
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Concrètement, le terme « informatique musicale » renvoie à tout ce qui touche à l’informatique et à la musique, il s’agit donc d’une discipline assez vaste. En général, l’informatique musicale concerne les domaines de la création musicale avec l’outil informatique, de la conception de programmes informatiques pour la musique ainsi que de la recherche. Elle inclut les outils pour la composition assistée par ordinateur (CAO), la musique assistée par ordinateur (MAO), la composition musicale par ordinateur (CMO), l’interprétation (par exemple la simulation d’orchestre), l’analyse de la musique, les techniques de synthèses du son, la pédagogie musicale, et l’enregistrement et le traitement du son.
Dès le XIXe siècle, Ada Lovelace, mathématicienne à l’origine du premier programme informatique, parle de la possibilité d’une musique assistée par ordinateur : « […] la machine pourrait composer de manière scientifique et élaborer des morceaux de musique de n’importe quelle longueur ou degré de complexité » . Mais c’est en 1957 que Max Mathews, ingénieur au MIT, 2 conçoit MUSIC, le premier programme de générateur de sons à l’aide de l’ordinateur. C’est un système informatique de synthèse sonore qui donnera naissance à Music from Mathematics, un disque qui regroupe plusieurs pièces programmées par des ingénieurs et des musiciens.
Dans les années 70 les premiers ordinateurs personnels arrivent sur le marché, rendant possible la création musicale à l’aide de l’informatique ailleurs que dans les laboratoires de recherche. Durant cette période, la compositrice italienne Doris Norton fait l’acquisition de l’Apple II. Pour programmer des notes dans ses compositions, elle utilise le clavier alphanumérique et devient alors le tout premier sponsor musical d’Apple. En 1984, Beverly Grigsby compose la première partition informatisée d’un opéra et fonde en 1985, avec Jeannie G. Pool, l’International Institute for the Study of Women in Music, duo qui a œuvré à la reconnaissance de la musique créée par des femmes.
De l’analogique au numérique : un exemple avec le synthétiseur
Faisons un petit tour de l’histoire du synthétiseur pour mieux comprendre l’impact de l’informatique sur la musique. Au début du XXe siècle, des instruments électriques comme le Thérémine (1919) et les Ondes Martenot (1928) rendent déjà possible la création de sons de synthèses. Dans les années 50, deux ingénieurs : Harry Olson et Herbert Belar qui travaillent à la RCA (Radio Corporation of America, fabricants d’appareils de divertissement grand public et d’électronique militaire) créent le Mark I, puis le Mark II, deux des premiers synthétiseurs analogiques. Ces très grosses machines composées de circuits oscillateurs et de tubes électroniques permettaient de façonner de nouveaux sons.
À cette époque, la musique électronique servait à faire des expériences sur le son en laboratoire et était peu connue. C’est Wendy Carlos, physicienne et compositrice américaine, qui démocratisera le son du synthétiseur grâce à l’enregistrement de Switched-On Bach en 1968, album reprenant certaines des œuvres de Jean-Sébastien Bach au synthétiseur modulaire. Wendy Carlos collaborera ensuite avec Robert Moog, le créateur des synthétiseurs Moog, sur le développement de nouvelles machines. Au cours des années 60 les synthétiseurs sont commercialisés, ils sont moins chers et plus petits et donc plus accessibles au grand public. Durant toute cette période, de nombreuses compositrices comme Laurie Spiegel, Eliane Radigue et Suzanne Ciani (créatrice du son de décapsulage des bouteilles de la publicité Coca-Cola) s’emparent de ces outils pour travailler à la création de nouvelles sonorités.
Les premiers synthétiseurs numériques, alternative aux synthétiseurs analogiques parfois instables, font leur apparition dans les années 80 avec l’évolution de l’informatique, et plus précisément de la micro-informatique. Afin d’étendre les possibilités pour la création musicale, les fabricants d’instruments de musique cherchent alors un moyen de relier ces synthétiseurs entre eux et créent le standard MIDI (Musical Instrument Digital Interface). Ce protocole de communication, largement utilisé en informatique musicale, permet de nos jours aux instruments électroniques, contrôleurs, séquenceurs, et logiciels de communiquer entre eux. Ce mode de communication numérique peut par exemple connecter un instrument à un ordinateur pour lui transmettre des informations précises sur la manière dont le musicien joue. Le MIDI est une révolution et change radicalement le paysage musical car il est enfin possible de faire des arrangements musicaux avec peu de moyens, rendant plus accessible la création musicale.
L’informatique a réellement impacté la musique au point de transformer tous les aspects de la discipline, de la création musicale à l’industrie de la musique. Aujourd’hui, et avec les progrès technologiques, des laboratoires comme l’IRCAM ou l’INA-GRM ainsi que des universités mènent des recherches en informatique musicale et travaillent à l’élaboration de logiciels pour répondre à des besoins spécifiques liés à la musique. Mais la musique tisse aussi des liens avec d’autres disciplines scientifiques car un certain nombre de métiers de la musique sont des métiers interdisciplinaires qui nécessitent des compétences techniques et scientifiques : ingénieure du son, mixeur, designer sonore, ingénieur acousticien, psychoacousticien,… Alors si vous aimez la musique et les sciences, sachez que vous n’avez pas forcément besoin de faire un choix !
Rédigé par Alice Sauda
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