Saviez vous que l’écart entre les hommes et les femmes dans l’éducation a favorisé le développement de la démence chez les femmes à mesure qu’elles vieillissaient ? Les femmes, par exemple, représentent environ les deux tiers des cas de maladie d’Alzheimer.
Inégalités entre les sexes dans l’éducation et risque de démence
Les femmes sont aujourd’hui beaucoup plus instruites qu’à n’importe quel autre moment de l’histoire. Pendant longtemps, elles ont été éduquées de façon moins formelle que les hommes. En effet, elles recevaient principalement une éducation domestique, n’apprenant parfois simplement qu’à lire, écrire et compter. C’était tout ce qu’elles avaient besoin de savoir pour être de bonnes épouses et mères. L’enseignement supérieur leur était refusé ou fortement découragé, même pour les filles issues de familles plus aisées. On a longtemps cru que la connaissance et l’étude étaient contre leur nature, contre les enseignements de la Bible, et que l’éducation pouvait affecter leur fécondité. Bien que pour les garçons, l’éducation dépendait de la classe sociale, ils avaient potentiellement accès à l’enseignement supérieur et à un plus large éventail de disciplines, contrairement aux filles. Au cours des deux derniers siècles, l’écart entre les sexes s’est progressivement réduit dans de nombreux pays, permettant aux filles d’accéder également à l’enseignement supérieur.
Peu de personnes savent que l’éducation protège notre cerveau contre les maladies, tout comme avoir un mode de vie actif, faire de l’exercice, manger sainement et socialiser. En somme, dans le cas où une maladie toucherait un certain ensemble de neurones, l’individu ayant un niveau d’éducation élevé et une bonne hygiène de vie disposera d’une grande réserve de neurones ou de réseaux de neurones alternatifs qui sous-tendent la même fonction et qu’il utiliserait à la place de celui endommagé. De cette façon, il n’aurait probablement aucun symptôme et pourrait continuer à vivre normalement.
Dans des études très intéressantes publiées dans The Lancet Public Health, des chercheurs de l’Université de Londres et de l’Université de Paris ont étudié de très grands échantillons d’individus nés entre le début du XXe siècle et les années 1960. Ces études ont révélé que la génération née après la Seconde Guerre mondiale avait un niveau socioculturel moyen plus élevé que les générations précédentes, et un risque plus faible d’avoir un handicap ou une démence dans la vieillesse, et cela était particulièrement vrai pour les femmes. En d’autres termes, l’augmentation du nombre d’années d’études et du taux d’emploi a rapproché le risque de démence ou d’invalidité des femmes de celui des hommes. La réduction des disparités socio-économiques qui s’est produite dans la seconde moitié des années 1900 a réduit le désavantage des femmes en matière de santé. Cela signifie que les inégalités entre les sexes dans l’éducation et le travail dans le passé expliquent en partie pourquoi les femmes âgées sont plus exposées au risque de démence que les hommes aujourd’hui. Lorsque les femmes avaient le même niveau d’éducation que leurs homologues masculins, leurs capacités cognitives telles que la mémoire étaient égales ou supérieures à celles des hommes, ce qui réfutait ce qui avait longtemps été proposé dans le passé sur la prétendue infériorité cognitive des femmes.
Les femmes vivent plus longtemps (du moins de nos jours)
D’autres facteurs sont bien sûr à prendre en compte. Par exemple, les femmes vivent en général plus longtemps que les hommes dans presque toutes les sociétés. L’espérance de vie moyenne à la naissance est actuellement d’un peu moins de 80 ans pour les femmes et de 72 ans pour les hommes (66 pour les femmes et 63 pour les hommes dans les pays en développement). Aussi, les femmes qui sont plus âgées aujourd’hui ont en moyenne des modes de vie plus sains que les hommes. Elles consomment moins de tabac et d’alcool, sont exposées à un risque moindre d’accidents (au travail par exemple), et sont plus préventives que les hommes. Il semblerait également que les niveaux d’œstrogènes protègent les femmes de diverses maladies.
Une espérance de vie plus longue expose les femmes à un risque accru de maladies liées à l’âge, telles que la démence d’Alzheimer. Cependant, les habitudes de vie étant de plus en plus similaires entre les femmes et les hommes, cet écart d’espérance de vie tend progressivement se réduire.
Les différences biologiques entre les sexes contribuent aux différents risques de démence
Les corps humains féminins et masculins sont différents les uns des autres. En plus des différences dans le système reproducteur, les hommes ont en moyenne plus de masse corporelle que les femmes, moins de pourcentage de graisse corporelle, plus d’acides gastriques, une fonction rénale ou hépatique légèrement différente, des niveaux d’hormones sexuelles différents, etc. Au niveau du cerveau, il existe des données, encore controversée, sur d’éventuelles différences dans la taille de certaines régions du cerveau et dans la proportion de matière blanche et grise. Ces différences sexuelles physiologiques et morphologiques se sont développées sur des millions d’années et ont été un avantage pour la reproduction et la survie.
Étant donné que le corps de l’homme et celui de la femme sont différents, ils peuvent l’être aussi en ce qui concerne les pathologies. Certaines d’entre elles sont en effet spécifiques au sexe, comme les complications de la grossesse, le cancer de l’ovaire, le cancer de la prostate, etc. Les changements hormonaux qui surviennent avec la ménopause, exposent les femmes à un risque plus élevé d’avoir diverses maladies, y compris la démence.
D’autres pathologies peuvent également affecter un sexe plus fréquemment que l’autre, ou s’exprimer différemment en fonction du sexe. Par exemple, certains problèmes digestifs ont une prévalence différente dans les deux sexes. Les hommes atteints d’infarctus du myocarde ont plus souvent des douleurs thoraciques, tandis que les femmes atteintes d’un infarctus du myocarde souffrent plus souvent de fatigue, d’évanouissement et d’essoufflement. De même, les démences, comme la maladie d’Alzheimer, peuvent toucher principalement les femmes en raison de leurs niveaux hormonaux, de leurs spécificités cérébrales et de certains facteurs génétiques. Ces facteurs biologiques contribueraient donc au risque de démence au même titre que les facteurs socioculturels.
Il reste encore beaucoup à faire
En conclusion, la différence de niveau dans l’éducation entre les hommes et les femmes persiste, même dans les pays les plus riches, quoique sous une forme différente que par le passé. Aujourd’hui, cela concerne principalement l’enseignement supérieur et l’emploi dans des postes universitaires supérieurs. La réduction de l’écart d’éducation entre les hommes et les femmes a un impact à plusieurs niveauxZ pour la communauté et pour l’individu, y compris la réduction des cas de démence d’Alzheimer, qui est un enjeu majeur de santé publique. Par Federica Cacciamani, PhD Chercheuse en neurosciences à la Bordeaux Population Health
Pour en savoir plus
1: Bloomberg M, Dugravot A, Landré B, Britton A, Steptoe A, Singh-Manoux A, Sabia S. Sex differences in functional limitations and the role of socioeconomic factors: a multi-cohort analysis. Lancet Healthy Longev. 2021 Dec
2: Bloomberg M, Dugravot A, Dumurgier J, Kivimaki M, Fayosse A, Steptoe A, Britton A, Singh-Manoux A, Sabia S. Sex differences and the role of education in cognitive ageing: analysis of two UK-based prospective cohort studies. Lancet Public Health. 2021 Feb
Attention Dans cet article, les hommes et les femmes sont comparés en deux catégories distinctes et mutuellement exclusives. Ceci est le reflet de ce qui est proposé par la littérature scientifique sur laquelle s’appuie cet article. La sous-représentation de ceux qui s’identifient en dehors du binaire dans la discussion ci-dessus n’est pas intentionnelle. Il reste encore du travail à faire
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